Brigitte Font-Lebret lettre du 20 mai 2012

Lettre au nouveau ministre de la Fonction publique

Madame la Ministre de la Fonction Publique,

Je tiens tout d’abord à vous féliciter pour votre nomination. Vous allez sans doute trouver mes courriers adressés à votre prédécesseur, sans réponse à ce jour.

Je participe au réseau Souffrance et travail avec Marie Pezé, Christophe Dejours et tant d’autres.

Je dispense au Conservatoire national des arts et métiers le cours sur les spécificités de la prise en charge de la fonction publique au niveau médico-administratif, étant titulaire du DU de Médecine agréée.

Je reçois de manière inquiétante de plus en plus de fonctionnaires à ma consultation, et les agents de France Telecom (j’ai écrit en collaboration avec Marin Ledun Pendant qu’ils comptent les morts, édition La Tengo), et les agents de la Poste, laquelle, je crains, risque d’être un « copier/coller de France Telecom si rien ne se met en place rapidement ».

Je fais partie de l’appel des 44 pour la création d’un observatoire du suicide.

J’anime un réseau Souffrance et Travail dans la Fonction Publique en Isère.

Quelques questions me semblent urgentes, notamment la longueur de la gestion des dossiers médicaux, que cela soit en Comité médical ou en Commission de réforme. Les délais d’attente du CMS sont inadmissibles lorsque l’on sait que pendant ce temps les agents restent en DORS sans avancement ni cotisation retraite.

L’opacité même de ce CMS doit à mon avis être interrogée car leurs avis sont le plus souvent des confirmations des avis du Comité Médical ou de la Commission de Réforme. La question du déroulement des avis de médecine agréée, la non formation de certains médecins agréés, la confusion courante entre expert et médecin agréé…

Tout ceci amène un risque de précarisation financière et donc de risque accru de passage à l’acte suicidaire.

La pénibilité et l’allongement de la durée du travail impacte directement des corps de métiers comme celui des enseignants et du personnel infirmier.

Pour eux c’est bien souvent par la porte de la radiation des Cadres par la retraite pour invalidité qu’ils vont quitter l’enseignement après avoir tout donné durant leur carrière.

Votre prédécesseur avait demandé un rapport en 2011 sur le reclassement, la lecture de ces 106 pages me désole. Des points essentiels ne sont pas abordés, quelques erreurs de droit sont dans le texte. Il me semble donc urgent d’avoir un échange sur les questions du régime spécial des trois fonctions publiques qui entraînent parfois une réelle différence pour le même problème de santé entre des fonctionnaires et des salariés relevant du régime de la SS.

J’en veux pour exemple : 6 mois d’arrêt maladie continue dans la Fonction Publique pour avoir droit à un temps partiel thérapeutique, pas d’invalidité catégorie 1 pour les fonctionnaires incapables de reprendre à temps plein après les douze mois de temps partiel thérapeutique autorisés.

Derrière ces textes de loi, il y a des femmes et des hommes en grande souffrance, seuls face à une législation difficile et complexe parfois méconnue par certaines petites mairies par exemple ou certains médecins agréés, derrière ces textes il ya parfois des risques suicidaires majeurs ou des idéations hétéro agressifs (certains agents se mettent à faire des grèves de la faim pour se faire entendre, un agent récemment en Isère).

Pas un jour sans peur dans mon métier de psychiatre pour accompagner dans leur prise en charge les agents de la Fonction Publique, ils comptent beaucoup sur vous, moi aussi.

Tout ce qui est écrit dans ce texte peut être explicité par des exemples concrets que seul le secret médical m’interdit de citer.

Veuillez agréer, Madame La Ministre l’expression de mes salutations respectueuses.

Docteur Brigitte Font Le Bret, le 20 mai 2012.